Design d’interaction


Question quelque peu provocatrice face à l’idée généralement admise que les liens sont le sang et la chair de l’internet. Elle m’est venue suite à mon dernier article que j’ai publié sans un seul lien. Cette absence  était volontaire mais sans raison bien identifiée. Ci-dessous différentes possibilités :

  1. Je suis paresseux. C’est possible, mais si c’était une raison suffisante je ne bloggerais probablement pas du tout…
  2. Je suis orgueilleux: j’estime que la valeur ajoutée des liens est marginale comparée à la valeur de mon article. L’analyse que j’y propose se suffit à elle-même. Il y a probablement de cela…
  3. Je suis à la fois paresseux et orgueilleux, certes, mais la valeur d’un lien n’est pas nécessairement positive.

Considérons cette dernière possibilité. Nous avons tous fait l’expérience d’un lien que nous nous félicitons d’avoir suivi et que nous remercions l’auteur d’avoir placé dans son article. Inversement combien de liens sans intérêt pour un lien de qualité.

Il est possible d’essayer d’évaluer la valeur intrinsèque d’un lien. Il faut alors mettre en balance la valeur apportée par le lien et le coût représenté par le click et le temps passé sur la page de destination. Un lien peut avoir une forte valeur positive et seulement une faible valeur négative, on peut donc aisément imaginer qu’on aboutit à une valeur moyenne des liens positive. Si on suppose que la valeur cumulée de liens d’un article est additive, c’est-à-dire que la valeur de la somme des liens est égale à la somme des valeurs des liens, alors la valeur ajoutée des liens d’un article croît avec leur nombre.

Je vois en plus aux liens d’un article une valeur de « réseau », ou plutôt une moins-value de réseau. Je suis même tenté d’affirmer que le moins-value marginale des liens est croissante. Sous cette condition la valeur moyenne mais aussi la valeur totale des liens peut être amenée à diminuer avec l’ajout d’un nouveau lien. Comment justifier d’une telle moins value de réseau ?

La sociologie de l’entreprise nous apprend que l’angoisse du manager est liée au nombre de choix qui sont à sa disposition : face à ce choix trop vaste, le manager manque d’outils pour évaluer la meilleure marche à suivre. La peur de se tromper et l’incapacité à y faire face est cause de cette angoisse, et aboutit généralement au statu quo.

Pour reprendre cette image, la surabondance de liens me conduit généralement à ne pas cliquer : n’ayant pas le temps de tous les explorer, et ne disposant pas des outils me permettant de juger ceux qui présentent le plus de valeur pour moi…

En observant mes propres comportements et ceux des visiteurs de ce blog, j’ai fait les observations suivantes qui tendent à conforter l’analyse précédente :

  1. Les liens fondus dans le texte sont peu clickés
  2. Plus 2 liens sont proches dans le texte et moins ils sont cliqués
  3. Les liens auxquels je consacre plusieurs lignes de contextualisation/description (comme dans les Fourre-tout) sont les plus cliqués

Qu’en pensez-vous ?

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  1. Je me suis ouvert un compte sur Twitter. Je n’ai pas de plage de disponibilité assez longues pour écrire des articles « de fond » comme je le faisais, et je n’ai pas réussi à écrire des articles semi-structurés comme j’en avais l’intention. Dans le cadre de ce blog Twitter pourrait m’aider à mettre en place une forme de write as you think, quitte à me contredire, à être confus, etc… comme ma réflexion a tendance à l’être avant d’accoucher d’un article de blog. Mon compte : http://twitter.com/ihmmedia

  2. Mobilizing the web : Small Surface (définitivement une ressource de grande qualité) cite un article d’Adaptive Path (définitivement un cabinet de design où on se pose des questions). Je me contente de citer la dernière phrase qui me parait tellement pleine de vérité :

    Most importantly, it will have to be based on a deep understanding of how people want to use Internet content in mobile contexts.

    On réplique actuellement notre mode de consommation de l’information en mode statique sur le mobile. La mobilité crée un (des) contexte physique et cognitif tellement différent de celui d’un bureau, que les pratiques seront nécessairement différentes. Les outils finiront par s’adapter au contexte puis par en tirer parti.

  3. Ca me ramène à des réflexions que j’avais plutôt au démarrage de ce blog sur la mobilité. J’ai en effet porté un projet voici deux ans qui m’a amené à beaucoup turbiner sur le sujet. Voici un lien vers un article sur le design d’interaction pour les interface mobiles que j’ai pris plaisir à relire (quelle prétention !).

  4. Encore Small Surface rapporte le concept de tapping and sharing développé par Nokia. Il s’agit d’utiliser la technologie NFC pour déclencher des services grâce au « toucher ». Cette techno est celle utilisée dans les pass Navigo. Nokia l’utiliserait pour déclencher des fonctionnalités particulières en approchant le téléphone d’un tag particulier. L’environnement physique devient alors une interface d’interaction avec le téléphone. Le contexte, encore lui, s’exprime directement en devenant l’interface. Au MEX la phrase The content is the interface est un lieu commun, bien que je la comprenne mal. Moi je donnerais plutôt dans The context is the interface. Ca m’évoque un post sur les surfaces d’engagement et de contact entre hommes et interfaces…

  1. J’ai découvert par Read Write Web le service Brighter Planet qui propose à chacun de mesurer son empreinte écologique et de la diminuer. Ce souci environnemental est de plus en plus présent, et le poids de ce critère dans les choix de consommation appelle au développement de ce service. La proposition de valeur de Hestia prenait en compte cet aspect. A ce sujet j’ai aussi découvert la plateforme de pré-commande du groupe Franprix, qui s’appelle Coursengo. Je pense que le design d’interaction pourrait être mieux pensé mais les possibilités offertes sont intéressantes.

  2. Mashable rapporte l’introduction sur AIM d’une fonctionnalité destinée selon moi à connaitre un échec dans la pratique actuelle de l’IM : la possibilité pour votre correspondant de voir le texte que vous écrivez au fur et à mesure que vous l’écrivez. Cette option change tout simplement la nature du service proposé, de la même manière que communiquer par répondeur interposé est différent de parler en direct. Cette modification du synchronisme de la communication (dont il avait été question dans un article précédent) doit s’accompagner de pratiques nouvelles. Comme le remarquait ce billet, les différents modes de communication sont amenés à être employé au sin d’une stratégie de communication, où chaque personne choisit quelle quantité de meta-données il souhaite fournir à son interlocuteur.

  3. A la suite des articles précédents sur l’utilisation des données transactionnelles il est frappant de constater les nombreux mouvements autour de la collecte de ces données de l’attention, alors que les modes de monétisation ne sont pas encore clairement définis. Dernièrement NewsGator a rendu ses lecteurs RSS gratuit en espérant qu’un maximum d’utilisateurs les adopterait, et ceci afin de récupérer leur données attentionnelles. Comment vont-ils ensuite récupérer leur investissement ? Des services offre déjà l’export des données APML mais à titre gratuit…

  1. Je vais m’atteler à décrire de manière assez grossière ce que représente le web semantique et autre web structuré (structured web). Je tiens cependant à souligner que la conception du web et de son futur, qui doit beaucoup à Tim Berners-Lee, n’est pas la seule et unique. L’opposition frontale des croyants et sceptiques nous est résumé de manière romancée par Duncan Hull dans Burn, Semantic Web, Burn! Je partage personnellement en grande partie les vues des sceptiques, et j’essaierai de donner une lecture critique de l’article The Semantic Web, Syllogism, and Worldview de Clay Shirky, que je vous conseille très vivement (il est accessible, il ne fait pas usage de vocable technique).

  2. Small Surfaces rapporte la sortie du Motorola Rokr équipé d’un écran tactile à retour haptique (grâce à de multiples vibreurs placé sous l’écran). Un post consacré aux modalités d’interaction avait souligné l’importance du feedback. L’absence de feedback tactile sur les écrans tactile présente un coût important en terme d’utilisation. L’introduction du feedback haptique est donc une avancée importante pour l’adoption large des écrans tactiles mais j’ai deux réserves à émettre:

    • J’ai un Razr depuis 7 moi, l’écran est entrain de rendre l’âme. L’augmentation de la complexité des écrans risque de réduire encore la durée de vie. Les constructeurs ont-ils intégré le principe de graceful degradation : comment un utilisateur va-t-il réagir si le feeback du Rokr est inconsistent (si par exemple certains vibreurs sont morts mais pas tous) ? Ne faudrait-il pas avoir la possibilité de couper le feedback tactile ?
    • Feedback n’est pas affichage : le Rokr implémente un feedback (on sait quand une action a été performée) mais pas un affichage tactile. La surface de l’écran est lisse lorsque je passe mon doigt dessus. L’affichage tactile permet de distinguer les bords des éléments d’interaction. Dans les téléphones à clavier cet affichage est passif, ce sont les reliefs des boutons qui permettent de déterminer les limites entre les boutons. Cet affichage tactile est indispensable à un usage aveugle ou semi-aveugle. Il est important dans la diminution de la charge cognitive.

  3. Textually présente une carte de visite qui compose automatiquement le numéro de téléphone de la personne qui l’a émise. C’est un exemple intéressant de réduction du coût d’initiation d’une communication.

Un billet précédent a permis d’introduire la notion d’attention périphérique : il s’agit de la perception non consciente de signaux sensoriels. Des exemples ont permis de montrer comment elle pouvait être utilisée dans le cadre du management des tâches. Les IHM elles-mêmes sont censées permettre, au moins pour certaines, ce task management et améliorer le workflow.

La réalisation d’une tâche est le résultat d’une intention (« je veux réaliser telle tâche maintenant »). Il arrive de réaliser une tâche en première intention mais c’est loin d’être toujours le cas. On distingue alors 3 modes d’initiation de la tâche en « seconde intention ».

  1. Initiation procédurale : lorsque la tâche n’est pas réalisée en première intention, il en est pris note : en mémoire, dans un calepin, ou sur tout autre support, y compris IHM. La réalisation de la tâche nécessite alors une nouvelle intention qui est une intention de consultation du support où a été portée la note. La consultation du support, et de la note, permet de replacer la tâche dans le champ de l’attention. Et cela se concrétise par l’intention de réaliser la tâche, si le moment est approprié.
    L’intention de consultation de ses supports de mémorisation est généralement une habitude, voire une routine. Cette routine de consultation est initiée elle-même soit par une autre routine (« à la fin de chaque tâche je consulte ma liste ») soit par un évènement particulier (« je pars pour un mois » entraine la consultation d’une check list mentale  » fermer l’eau, le gaz, l’électricité, les volets,… »).
  2. Initiation automatique : l’aspect procédural est alors délégué. Il peut s’agir de votre secrétaire, d’une alarme pré-réglée, d’un mail automatiquement envoyé qui porte à votre attention la tâche à réaliser.
  3. Initiation indiciée : c’est un indice que vous avez perçu de manière involontaire (une croix au stylo sur le dos de la main, la photo de votre mari/femme sur le bureau,…) qui soit vous remet en mémoire la tâche elle-même soit déclenche l’intention d’interroger vos supports de mémorisation.

AttentionPériphérique

L’initiation indiciée a pour avantage un overhead limité et présente donc une plus grande flexibilité. L’initiation procédurale nécessite par exemple la mémorisation d’une note. La mémoire humaine étant ce qu’elle est, on s’oriente plutôt vers des supports physiques ou digitaux. L’overhead est alors constitué du coût de manipulation du support, du temps de rédaction de la note, etc… L’overhead comprend aussi le coût cognitif d’avoir à se souvenir de consulter ses notes. Ce coût est éliminé dans le cas d’une initiation automatique mais au prix d’un accroissement de la complexité de la note : il faut préciser quand l’alarme doit être donné, par quel moye, avec quelle fréquence elle doit être répétée, etc…

L’initiation indiciée permet de réduire cet overhead en se basant sur des indices qui sont des structures légères : une image, un son, etc… Un bon exemple d’initiation indiciée est le post-it. Souvent même il n’est pas nécessaire de le lire : on sait ce qui y figure.

Je vois dans cette initiation indiciée l’explication à la fameuse question : pourquoi certains préfèrent-ils avoir un bureau en désordre ? En effet lorsque tous les éléments et documents sont bien rangés ils ne fournissent aucun indice de leur utilité/fonction. Un bureau mal rangé optimise la surface du bureau pour afficher un maximum d’indices. Par extension une interface d’ordinateur classique avec une architecture d’information sous forme d’arbre hiérarchique est un très mauvais pourvoyeur d’indices. L’interface Bumptop, dont il fut question dans un billet recensant des interfaces innovantes, permet de retrouver la métaphore du bureau mal rangé avec des documents que l’on peut éparpiller, superposer de manière irrégulière, afficher au mur, dont on peut réduire ou augmenter la taille.

De mon point de vue l’indiciation est une des voies que doivent explorer les mondes virtuels. J’aurai l’occasion d’y revenir mais je pense que leurs spécificités les rendent particulièrement indiqués pour l’initiation indiciée des tâches.

L’acte conditionné

L’associationnisme est une théorie qui postule qu’à tout moment notre état mental est déterminé par nos états mentaux précédents et nos sensations. Ce système philosophique implique une forme de déterminisme : nos actions et nos décisions sont rendues nécessaires par nos états mentaux qui eux-mêmes sont la conséquence déterminée des états précédents.

Bergson réfute que cette théorie puisse s’appliquer à toutes les décisions. Il reconnait cependant que nombre de nos actes sont conditionnés (Essai sur les données immédiates de la conscience) :

[L]es actes libres sont rares […] je suis ici un automate conscient, et je le suis parce que j’ai tout avantage à l’être. On verrait que la plupart de nos actions journalières s’accomplissent ainsi […] les impressions du dehors provoquent de notre part des mouvements qui, conscients et même intelligents, ressemblent par bien des côtés à des actes réflexes. C’est à ces actions très nombreuse, mais insignifiantes pour la plupart que la théorie associationniste s’applique.

Sans rentrer dans un débat sur les ressorts de l’intelligence humaine, il existe des preuves empiriques de mécanismes qui, parce qu’ils sont inconscients, remettent en cause au moins en partie le libre arbitre.

 

Biais de résonnement

Je donne ci-après deux exemples de processus inconscients qui produisent des biais dans nos résonnements sans que nous puissions nous en apercevoir. Par certains aspects nous sommes déterminés. Le premier exemple est tiré de Le nouvel inconscient de Lionel Naccache :

[N]ous serions en possessions de deux systèmes visuels complémentaires. Le premier système est associé à la voie du colliculus supérieur, il est rapide, il peut procéder inconsciemment, il est centré sur la détection des objets en mouvement et élabore des représentations visuelles grossières de l’ensemble de la scène visuelle. Le second système est bien plus lent, il sous-tend une analyse visuelle très fine, riche de mille nuances perceptives et de subtils contrastes.

Cette construction du mécanisme visuel permet d’expliquer des phénomènes tels que le blindsight (vision inconsciente lorsque le cortex visuel est détruit) ou les messages subliminaux (image exposée de manière trop courte pour être vue consciemment).

L’exemple de la vision prouve que seulement une partie de nos sensations sont objectivées, les autres étant assimilées de manière subjective. Ces sensations sont ensuite traitées par le cerveau, et là, de nouveaux déterminismes se font jour : il existe des filtres culturels qui font qu’une même scène est mémorisée différemment par des personnes de cultures. Umberto Eco souligne en particulier l’importance de la langue parlée (Le Signe) :

La célèbre hypothèse Sapir-Whorf […] soutenait que la façon de concevoir les rapports d’espace, de temps, de cause et d’effet changeait d’ethnie à ethnie, selon les structures syntaxiques de la langue utilisée. Notre façon de voir, de diviser en unités, de percevoir la réalité physique comme un système de relations, est déterminée par les lois (évidemment dépourvues de caractère universel !) de la langue avec laquelle nous avons appris à penser. Dès lors, la langue n’est plus ce à travers quoi l’on pense, mais ce à l’aide de quoi l’on pense, voire ce qui nous pense, ou ce par quoi nous sommes pensés.

Et Eco de prendre l’exemple de la neige pour laquelle le français ne possède qu’un mot quand les Esquimaux en ont seize. Ainsi là où nous rappellerions une étendue blanche, d’autres se souviendraient de bien plus. Parce que leur langage le leur permet.

 

Rapport avec les IHM

Les IHM font appel aujourd’hui de manière intensive à l’attention et à l’intention conscientes, alors qu’une part importante de notre activité intellectuelle est inconsciente et que nous fonctionnons largement sur un modèle stimulus-réponse. C’est à mon avis un des enjeux des futures IHM et du design d’interaction que de s’adresser à l’attention périphérique (que j’ai à d’autres occasions appelée attention latérale) afin de déclencher nos actions sur un mode stimulus-réponse qui soit beaucoup moins consommateur de ressources cognitives.

Sans envisager de programmer l’inconscient de l’individu, le recours à l’attention périphériques consiste en la possibilité de disséminer des indices qui, sans s’adresser directement à nous, nous fournissent certaines informations. Ces indices sont moins volumineux que les informations elles-mêmes, mais parce qu’ils leurs sont associés sont de même valeur. La limite à cette indiciation (néologisme, équivalent de cue-ing) est constituée par les différences entre cultures et entre personnes qui font que les réponses à un même indice peuvent différer. Il faudra alors soit personnaliser soit trouver des valeurs communes…

Quelques exemples d’utilisation de l’attention périphérique :

  • La mise en tâche de fond illustrée par Stefana Broadbent : certains indices tels qu’un mot, un son, une couleur, conduisent l’utilisateur à ramener une tâche au premier plan, mais ils peuvent aussi être ignorés.
  • Certaines personnes se font une croix au stylo sur le dos de la main pour se rappeler qu’elles ont une tâche particulière à effectuer. La vision de cette croix déclenche l’intention de faire et non l’inverse comme dans le cas d’un agenda où l’intention (de me rappeler) précède l’attention.
  • Lorsque je prépare mon petit-déjeuner je sors le jus d’orange ou les biscuits en premier suivant que mon regard s’est porté en premier sur le frigo ou sur le placard…

A plusieurs reprises j’ai vu dans des blogs les qualités de Philips en termes de prospective, de design centré sur l’utilisateur, de design d’interaction,… A l’occasion des fêtes je me suis demandé si leurs chercheurs/designers sortaient parfois des labos pour donner un coup de main à leurs collègues ingénieurs.

Tout d’abord la Wake-Up Light (réveil avec un effet d’aube) présente un look’n feel désastreux : plastique cheap, molettes et boutons grossiers,… La télécommande de Living Colors présente le même problème, mais la lampe en elle-même a visiblement reçu plus d’attention.

Continuons sur la Wake-Up Light. Elle présente des fonctionnalités intéressantes (réglage de la luminosité, du volume de l’alarme, possibilité d’éteindre son et lumière indépendamment), mais est desservie par leur mise en oeuvre. La lampe présente 4 boutons sur sa partie supérieure qui correspondent au moment du réveil aux fonctions 1-Snooze 2-Eteindre la lumière 3-Eteindre le son 4-Eteindre son et lumière. C’est probablement un bouton de trop et surtout ces boutons sont tactilement mal séparés (cad on les distingue mal au toucher seulement). Il vous donc d’une part disposer de vos facultés mentales pour vous rappeler sur quel bouton appuyer et ouvrir les yeux et vous placer au dessus de votre lampe pour trouver le bouton idoine. 2 choses que je ne suis pas très susceptible de faire au réveil…

Je pourrais continuer (la notice, le remplacement de l’ampoule,…). Le produit reste bon cependant (s’il y avait des concurrents je dirais peut-être autre chose). Mais pour le prix payé (>100 Euros) on a un peu l’impression qu’on se paye notre tête, ce n’est pas comme si on achetait une pâle copie Made in China d’un produit de grande marque…

Remarques extérieures et réflexions propres m’amènent à revoir l’articulation entre ces différentes notions. Afin de gagner en clarté, un beau schéma valant mieux qu’un long discours, je reprends un exemple simple que je développe dans le tableau de la première figure.

Dans cet exemple est décomposée l’expérience d’un couple habitant une ville de province désirant se rendre à Paris pour y voir un opéra. Ils ne possèdent pas de voiture. Dans la décomposition, l’ensemble des branches ne sont pas détaillées. A chaque étape, l’option qui fait l’objet d’une étude approfondie est distinguée.

Expérience, pratiques, usages 1

Dans le repère utilisé ci-dessus on peut placer les notions d’expérience, de pratique et d’usage :

Expérience, pratiques, usages 2

J’y ai ajouté la notion d’interaction, puisqu’arrivé à un certain niveau de détail la notion d’usage perd de sa pertinence.

Comme annoncé dans le post précédent, la discussion avec Eric Dos Santos m’a conduit à vouloir clarifier les articulations entre les notions d’expérience, de pratique, et d’usage.

L’expérience intègre une notion de finalité, elle est le pourquoi. La pratique est la plus petite subdivision de l’expérience, elle est le quoi. L’usage est la modalité de la pratique, il a une valeur instrumentale, il est le comment.

Dans cette définition expérience et pratique sont de même nature : elles ne se distinguent que par leur granularité. Elles peuvent, l’une comme l’autre, être ramenées à un verbe, elles sont toutes deux un quoi. Cependant, l’expérience, par sa nature plus englobante, intègre une notion de finalité : le pour s’ajoute au quoi.

L’usage est une modalité de la pratique : il précise le choix du moyen par lequel le quoi de la pratique est réalisé. Prenons la pratique : « dire à sa femme qu’on l’aime », les usages correspondants sont les différents modes de communication (téléphone, email,…).

Une pratique est la plus petite subdivision de l’expérience en ce qu’elle ne peut pas être elle-même subdivisée sans avoir à préciser l’usage choisi. En reprenant l’exemple précédent : que doit-on faire pour dire à sa femme qu’on l’aime ? Il faut décrocher le téléphone, numéroter… ou alors allumer son ordinateur, ouvrir sa messagerie,… Ces subdivisions impliquent un usage particulier.

Avec Eric nous avons évoqué le cas des locations de voitures. Le propos était qu’on ne loue pas une voiture pour faire des km. Cette location s’intègre dans une expérience comme par exemple se rendre à un mariage. Soit l’expérience « Participer au mariage de ma cousine », elle se décompose en de nombreuses activités, sous-activités, et finalement pratiques. Retenons en deux : « s’habiller » et « se rendre au mariage ». Les usages correspondant à ces pratiques sont d’une part « utiliser mon vieux costume », « emprunter un costume », « louer un costume », et d’autre part (en partant du principe qu’on n’a pas de voiture) « louer une voiture », « utiliser les transports en commun », « se faire emmener », « prendre le vélo »…

Il en découle quelques remarques :

  • Il existe un écho croissant pour ce qui concerne le design d’expérience, mais beaucoup de travail reste à faire. Pour les loueurs de voiture, on les voit monter des partenariats avec des voyagistes qui eux-mêmes essaient non plus de vendre un produit mais un service de construction d’expériences personnalisées de voyage. Une ressource importante sur le sujet est le blog édité par la société italienne Experientia : Putting People First.

  • Sortir les yeux de son usage propre (la location de voiture par exemple) permet d’identifier les autres usages correspondant à une même pratique et par là-même des concurrents (le plus gros concurrent d’Air France n’est pas Lufthansa mais la SNCF).

  • Mener une réflexion au niveau de l’expérience permet non seulement de proposer à ses clients des produits/services qui les satisfont mieux, mais aussi d’identifier des opportunités de partenariat, d’identifier les risques d’extension de sociétés d’une pratique bien particulière vers d’autres pratiques ou vers des expériences dans leur ensemble. L’exemple de l’IPhone est symptomatique : Apple a pris possession d’une bonne partie des revenus liés aux services mobiles qui étaient alors le pré carré des opérateurs.

Ce billet référence quelques interfaces innovantes de mon point de vue. Je les accompagne de quelques remarques rapides, et j’y reviendrai éventuellement ultérieurement. Explorez les lien, certains mènent à des vidéos de démonstration.

Ecran tactile transparent : ce système a pour avantage de découpler les surfaces de commande et d’affichage tout en conservant une correspondance directe (direct mapping). Les doigts n’obstruent donc pas le champ de vision comme pour un écran tactile classique. Un autre avantage me parait la possibilité pour les mains assurant la préhension d’assurer en même temps des fonctions de commande. On peut donc envisager un meilleur usage des 10 doigts alors qu’un IPhone n’en utilise que 2 (pouce et index d’une main, l’autre servant à tenir le téléphone).

Tiki Labs : cette société française a élaboré un clavier à accord à 6 touches qui peut être utilisé d’une seule main et offre des performances supérieures à celles d’un clavier de téléphone portable pour taper du texte. Elle a l’avantage d’être auto-révélatrice lorsque le guide des touches est affiché sur l’écran. Cependant je ne crois pas à l’adoption de cette solution : je pense qu’elle se heurtera au même problème que les claviers Dvorak qui, bien que plus performants que les claviers Qwerty, ne se sont jamais diffusé. Chercher à se substituer à application disposant d’une large base d’utilisateur se conclue rarement par un succès, surtout lorsque son usage nécessite un nouvel apprentissage. Ce type d’innovation a besoin d’un système à la Apple pour se diffuser : une confiance aveugle des consommateurs dans la capacité d’une organisation à leur offrir les meilleures solutions.

Shapewriter : la technologie est originaire des labos IBM. Je trouve le principe extrêmement prometteur. Il ‘s’agit d’une interface gestuelle, de la même manière que la wiimote. Elle fait correspondre des « gestèmes » (unité de base des gestes, comme le phonème pour la parole) à des mots. Un gestème correspond à la graphie d’un idéogrammes : chaque mot est représenté par un signe. La difficulté des langues à base d’idéogrammes est la mémorisation des signes. C’est là que Shapewriter est visionnaire : en utilisant le clavier Qwerty comme base de construction des logogrammes cette interface est auto-révélatrice, et offre une courbe d’apprentissage rapide puisque se basant sur des connaissances existantes.

Zumobi : cette interface se fonde sur l’utilisation du zoom. Certains s’imaginent déjà une copie de l’IPhone, mais dans le principe cela va plus loin : il ne s’agit pas de seulement compenser la taille de l’écran d’un téléphone portable mais bien d’organiser différemment l’accès à l’information. Alors que l’organisation classique de l’information est sous forme arborescente, le zooming permet une organisation en 2D. Les humains sont meilleurs, je pense, pour lire une carte routière que pour lire dans un organigramme sous forme d’arbre. Les possibilités offertes me paraissent intéressantes et applicables à des représentations de taille supérieure à celles d’un écran de téléphone…

Bumptop : de même que Zumobi cette interface offre un paradigme différent d’accès à l’information. C’est ici l’organisation du bureau réel qui est prise en exemple. Je ne sais pas si en l’état cette interface offre une alternative crédible au Desktop Windows mais elle présente deux caractéristiques intéressantes. Premièrement, comme Shapewriter, elle fait appel à des gestes simples tout en autorisant une interaction riche, et elle est aussi auto-révélatrice. Deuxièmement, et c’est me semble-t-il l’aspect le plus novateur, elle permet de faire usage de l’attention passive que j’ai tendance à appeler « attention latérale ». L’attention latérale est à l’origine d’intentions qu’elle déclenche au travers d’un indice. Un exemple simple en est : sans la regarder je vois une photo de ma soeur sur mon bureau, cette vision déclenche le « retour à la surface » du souvenir « je devais la rappeler », ce que je fais. La plupart de nos actions sont déclenchées sur un mode stygmergique. Bumptop, en permettant la formation de tas et en sortant du choix binaire présence/absence pour rendre possible l’affichage de portions d’éléments, autorise le dépôt d’indices pour soi-même qui sont à l’origine du déclenchement d’actions ultérieures.

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