Difficile de comparer un iPod Nano et un BlackBerry. Toute comparaison de deux interfaces n’a de sens que rapportée à une tâche particulière. La performance d’une interface sur une tâche donnée est par ailleurs dépendante du contexte de son exécution (contexte physique et contexte cognitif). La performance d’une interface se mesure donc par son adéquation au contexte mais également par sa capacité à améliorer le rapport bénéfices/coûts associé à la tâche. Après quelques éléments relatifs au contexte, ce billet aborde la définition du rapport bénéfice/coût et ses implications.
Contexte physique : se définit tant du point de vue de la situation corporelle de l’utilisateur (est-il en mouvement ? est-il sujet à des secousses ou mouvements parasites ? a-t-il les mains libres ?) que du point de vue de son environnement (est-il dans une foule ? y a-t-il de la lumière ?). Voici quelques exemples de critères d’adéquation de l’interface au contexte physique :
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Les exigences en termes d’encombrement ne sont pas les mêmes suivant que celui-ci se trouve dans un bureau ou dans les transports en commun.
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La qualité de l’affichage est dégradée par des mouvements parasites et doit donc être adaptée.
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Le type de commandes (boutons, trackpad, trackball,…), leur nombre et leur positionnement permet ou non une utilisation à une seule main de l’interface, qui peut s’avérer nécessaire en situation de mobilité.
Contexte cognitif : la charge cognitive supportée par un utilisateur dépend des ressources consommées par les tâches qu’il effectue concomitamment. Il y a un accès concurrent à ces ressources que sont l’attention et la capacité de reflexion/concentration. En voici deux exemples :
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En situation de mobilité le sens de la vue est très sollicité, une tâche faisant appel à une autre modalité de l’attention se trouve plus adaptée (la communication téléphonique par exemple qui fait appel à l’attention auditive).
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En mobilité la gestion des risques extérieurs, de la trajectoire,… sont des tâches de priorité supérieure, les autres tâches ont donc un accès à des plages courtes et répétées de dédication, une interface adaptée doit permettre des interactions qui puissent tirer parti de cette particularité.
Rapport bénéfice/coûts
Une manière générale d’aborder la performance est la comparaison coût/bénéfice : la réalisation d’une tâche présente certains bénéfices (généralement non financiers) pour l’utilisateur, ainsi que des coûts (temps, argent, efforts,…). Les bénéfices attendus sont indépendants de l’interface, alors que les coûts en sont fortement dépendants. Voici quelques éléments impactant ces coûts :
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L’erreur : elle représente toujours un coût qui correspond au coût du retour à la situation d’origine. Certains coûts sont parfois irréversibles. Par exemple : une connexion internet lente rend coûteuse (en temps) le chargement d’une page. L’erreur de navigation est donc inversement proportionnelle à la vitesse de la connexion…
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La charge cognitive : lorsqu’une tâche requière plus de ressources que disponibles, une des conséquences est l’augementation du taux d’erreur.
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La capacité d’auto-révélation : lorsque l’utilisateur comprend quelles sont les actions disponibles et quelles en sont les conséquences le taux d’erreur diminue ainsi que l’hésitation (qui a aussi un coût, ne serait-ce qu’en temps)
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Répartition modale de l’attention : en déchargeant une modalité saturée sur une autre disponible, on contribue à la diminution de la charge cognitive. Par exemple un signal tactile peut remplacer un message visuel.
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Le feedback : plus il est rapide meilleur il est. De plus la modalité selon lequel il s’effectue influe sur son efficacité, en voici un exemple trivial : imaginez-vous devoir écrire les yeux bandés écoutant une synthèse vocale de ce que vous écrivez. Ce feedback/affichage sonore de vos écrits ne semble pas très approprié… un affichage visuel est plus intuitif.
Remarques autour du rapport bénéfices/coûts
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Il s’agit plutôt de bénéfices perçus et coûts perçus : au-delà de l’identification de critères impactants, l’évaluation des coûts et bénéfices reste subjective. Ainsi l’aversion au risque, qui diffère selon l’individu, entraine un coût perçu souvent disproportionné relativement à son coût réel, notamment du fait de la généralisation de bonnes pratiques telles que l’implémentation systématique de la réversibilité des actions.
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Inhibition de l’action : lorsque les coûts perçus sont supérieurs aux bénéfices perçus aucune action n’est entreprise.
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Cette évaluation de rapport bénéfice/coût s’inscrit dans le cadre plus général du design d’experience : il ne sert à rien de réduire le coût d’une action si le coût perçu de l’interaction dans son ensemble n’en dépend pas. De même si le bénéfice perçu est faible, c’est-à-dire si l’utilité n’est pas perçue, il peut être plus efficace d’avoir une démarche pédagogique…