Usages


Question quelque peu provocatrice face à l’idée généralement admise que les liens sont le sang et la chair de l’internet. Elle m’est venue suite à mon dernier article que j’ai publié sans un seul lien. Cette absence  était volontaire mais sans raison bien identifiée. Ci-dessous différentes possibilités :

  1. Je suis paresseux. C’est possible, mais si c’était une raison suffisante je ne bloggerais probablement pas du tout…
  2. Je suis orgueilleux: j’estime que la valeur ajoutée des liens est marginale comparée à la valeur de mon article. L’analyse que j’y propose se suffit à elle-même. Il y a probablement de cela…
  3. Je suis à la fois paresseux et orgueilleux, certes, mais la valeur d’un lien n’est pas nécessairement positive.

Considérons cette dernière possibilité. Nous avons tous fait l’expérience d’un lien que nous nous félicitons d’avoir suivi et que nous remercions l’auteur d’avoir placé dans son article. Inversement combien de liens sans intérêt pour un lien de qualité.

Il est possible d’essayer d’évaluer la valeur intrinsèque d’un lien. Il faut alors mettre en balance la valeur apportée par le lien et le coût représenté par le click et le temps passé sur la page de destination. Un lien peut avoir une forte valeur positive et seulement une faible valeur négative, on peut donc aisément imaginer qu’on aboutit à une valeur moyenne des liens positive. Si on suppose que la valeur cumulée de liens d’un article est additive, c’est-à-dire que la valeur de la somme des liens est égale à la somme des valeurs des liens, alors la valeur ajoutée des liens d’un article croît avec leur nombre.

Je vois en plus aux liens d’un article une valeur de « réseau », ou plutôt une moins-value de réseau. Je suis même tenté d’affirmer que le moins-value marginale des liens est croissante. Sous cette condition la valeur moyenne mais aussi la valeur totale des liens peut être amenée à diminuer avec l’ajout d’un nouveau lien. Comment justifier d’une telle moins value de réseau ?

La sociologie de l’entreprise nous apprend que l’angoisse du manager est liée au nombre de choix qui sont à sa disposition : face à ce choix trop vaste, le manager manque d’outils pour évaluer la meilleure marche à suivre. La peur de se tromper et l’incapacité à y faire face est cause de cette angoisse, et aboutit généralement au statu quo.

Pour reprendre cette image, la surabondance de liens me conduit généralement à ne pas cliquer : n’ayant pas le temps de tous les explorer, et ne disposant pas des outils me permettant de juger ceux qui présentent le plus de valeur pour moi…

En observant mes propres comportements et ceux des visiteurs de ce blog, j’ai fait les observations suivantes qui tendent à conforter l’analyse précédente :

  1. Les liens fondus dans le texte sont peu clickés
  2. Plus 2 liens sont proches dans le texte et moins ils sont cliqués
  3. Les liens auxquels je consacre plusieurs lignes de contextualisation/description (comme dans les Fourre-tout) sont les plus cliqués

Qu’en pensez-vous ?

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Pour les tenants de l’indépendance de la forme et du fond, des services web récents illustrent l’influence de l’un sur l’autre. Twitter et 12seconds.tv en sont des exemples : ces services reprennent des modalités d’expression (le texte et la vidéo respectivement) préexistantes et leur adjoignent une contrainte, celle de la concision.

La question qui vient à l’esprit est : en quoi cette contrainte, que chacun pourrait s’appliquer de manière volontaire en utilisant des outils déjà existants (blogs pour Twitter, et plateforme de vidéo telles que Youtube ou Seesmic pour 12seconds.tv), suffit à fonder le succès de ces services ?

Cette contrainte de concision pourrait être comparée à celle imposée lors d’exposé oraux, présentations, elevator’s pitch… obligeant le locuteur à s’exprimer de manière synthétique. Cependant les effets constatés sont beaucoup plus profonds : on ne dit pas la même chose en moins de mots, on dit des choses différentes.

De la même manière que des modalités d’expression différentes trouvent des pratiques différenciées, ces nouveaux services introduisent de nouveaux modes de communication. Une fois apprivoisés on peut s’attendre à ce qu’ils nous deviennent aussi naturels et complémentaires (non concurrents) que des modes de communication déjà existants.

A quand un perec.com qui nous oblige à nous exprimer sans utiliser la lettre « e » ?

  1. Je me suis ouvert un compte sur Twitter. Je n’ai pas de plage de disponibilité assez longues pour écrire des articles « de fond » comme je le faisais, et je n’ai pas réussi à écrire des articles semi-structurés comme j’en avais l’intention. Dans le cadre de ce blog Twitter pourrait m’aider à mettre en place une forme de write as you think, quitte à me contredire, à être confus, etc… comme ma réflexion a tendance à l’être avant d’accoucher d’un article de blog. Mon compte : http://twitter.com/ihmmedia

  2. Mobilizing the web : Small Surface (définitivement une ressource de grande qualité) cite un article d’Adaptive Path (définitivement un cabinet de design où on se pose des questions). Je me contente de citer la dernière phrase qui me parait tellement pleine de vérité :

    Most importantly, it will have to be based on a deep understanding of how people want to use Internet content in mobile contexts.

    On réplique actuellement notre mode de consommation de l’information en mode statique sur le mobile. La mobilité crée un (des) contexte physique et cognitif tellement différent de celui d’un bureau, que les pratiques seront nécessairement différentes. Les outils finiront par s’adapter au contexte puis par en tirer parti.

  3. Ca me ramène à des réflexions que j’avais plutôt au démarrage de ce blog sur la mobilité. J’ai en effet porté un projet voici deux ans qui m’a amené à beaucoup turbiner sur le sujet. Voici un lien vers un article sur le design d’interaction pour les interface mobiles que j’ai pris plaisir à relire (quelle prétention !).

  4. Encore Small Surface rapporte le concept de tapping and sharing développé par Nokia. Il s’agit d’utiliser la technologie NFC pour déclencher des services grâce au « toucher ». Cette techno est celle utilisée dans les pass Navigo. Nokia l’utiliserait pour déclencher des fonctionnalités particulières en approchant le téléphone d’un tag particulier. L’environnement physique devient alors une interface d’interaction avec le téléphone. Le contexte, encore lui, s’exprime directement en devenant l’interface. Au MEX la phrase The content is the interface est un lieu commun, bien que je la comprenne mal. Moi je donnerais plutôt dans The context is the interface. Ca m’évoque un post sur les surfaces d’engagement et de contact entre hommes et interfaces…

Un post de Josh Catone, sur le blog Read Write Web, me ramène à une idée que j’ai exposée voici quelques mois sur l’exploitation des données d’achat nous concernant que possèdent les chaines de grandes distribution et qui pourraient être le support de nouveaux services. Dans ce post Josh Catone demande : A quand la portabilité de nos données « physiques » à la manière de ce qui se passe pour les données digitales (mini-feed d’activité et autres…) ? Cette réflexion que j’avais menée s’était conclue sur le constat qu’il n’y aura pas d’exploitation possible des données de l’attention physiques tant qu’elles ne seront pas mises à disposition des utilisateurs des services qui en sont à l’origine.

Cela me ramène aussi à ce post sur l’identité comme une combinaison de marqueurs et de traces (pas nécessairement digitales). Ce qu’illustre le propos de Josh Catone est la demande d’une digitalisation toujours plus grande de nos traces. J’y avais par ailleurs exprimé la crainte d’un Wikipedia des personnes renseigné par des « collaborateurs » zélés. Ce type de site existe maintenant dans une perspective professionnelle : il s’agit de Jigsaw. On imagine bien qu’il est plus facile de construire un Business Plan sur la divulgation de données professionnelles que de données personnelles, mais la tendance est bien là…

  • J’ai repris une activité professionnelle et j’ai des projets en cours, et l’alimentation du blog s’en ressent déjà. J’avais prévu un post sur le web sémantique, il est repoussé à une date indéterminée. En attendant je poste une très bonne vidéo pointée par le blog Nodalities (qui offre pas mal de ressources sur le sujet) :

  • J’étais hier à la réunion des Entreprenautes Associés. Beaucoup de rencontres. De la matière pour la reflexion dans les jours à venir.

  • Et pour finir, un exemple de détournement, ou comment l’appareil photo d’un téléphone portable peut procurer l’internet mobile. J’ai un ami qui prend des photos des pages internet qu’il veut pouvoir consulter hors de chez lui (plans, itinéraires, ou autres…) J’ai essayé mais la résolution de mes photos semble trop faible pour l’autoriser. Il n’est probablement pas le seul à avoir recours à ce type de ruse, mais je la trouve amusante à l’heure où l’on nous parle tant d’internet mobile mais dont les performances restent si médiocres…

Le monde des données regroupe les données dispersées au sein du réseau internet. La méthode première d’accès à ces données est la navigation. A l’origine il s’agissait d’une navigation au sein du réseau physique que constituent les ordinateurs interconnectés. Par abstractions successives on est ensuite passé à un réseau de documents interconnectés (ce qui inclue les pages internet) et l’on s’oriente vers un réseau de données interconnectées. Au sujet de ces abstractions successives il est possible de se référer aux propos de Tim Berners Lee. Le propos de cet article n’est pas la navigation mais les services d’accès aux données qui se sont mis et se mettent en place.

MondeDesDonnées

Le principe des services d’accès aux données est de présenter à l’utilisateur des données auxquelles il pourra attribuer un sens, c’est-à-dire d’aider l’utilisateur à transformer des données en informations. Je distingue trois types de services :

  • Les services de filtrage : le monde des données peut être sommairement comparé à une gigantesque bibliothèque très mal rangée. De cette immensité l’utilisateur ne peut pas tirer grand chose en l’absence de moyens lui permettant d’accéder aux données qui l’intéressent. Parmi les services de filtrage on pourra citer dans le désordre les services de recherche (Google et consorts), les services de recommandation, ou les réseaux sociaux (forums, abonnement à des flux rss, partages de signets et autres listes,…)

  • Les services de combinaison : la consultation d’une donnée particulière s’inscrit dans un contexte particulier (environnement, contexte cognitif, usage envisagé,…). En liaison avec ce contexte d’autres données peuvent être d’intérêt pour l’utilisateur. La combinaison consiste donc en la mise en valeur des données les unes par les autres de manière répondre aux attentes de l’utilisateur. Le service de base de la combinaison est l’agrégation. La verticalisation des services, c’est-à-dire l’adressage d’une pratique bien particulière, permet de sélectionner de manière plus pertinente les données utiles aux décisions sous-tendues par la pratique adressée. Les services d’auto-discovery permettent aussi d’établir des liens avec des données extérieures.

  • Les services de représentation : l’ordre spatial et temporel dans lequel les données sont présentées à l’utilisateur influe sur la compréhension que l’utilisateur en fait. Ensuite il est possible de les représenter sous différentes formes : texte, images, cartographies… On approche ici de problématique d’architecture de l’information et de design d’interaction. Des données pertinentes et pertinemment reliées n’ont aucune valeur si leur présentation à l’utilisateur ne permet de valoriser cette pertinence. Il s’en désintéressera, et la donnée ne devient pas information…

Prenons l’exemple simple d’un service comme Immoplaza : en fonction des critères de recherche il va filtrer les annonces immobilières susceptibles de vous intéresser. Il va ensuite les combiner à des données relatives au voisinage pour vous permettre de situer le contexte. Il va ensuite représenter ces données sur une carte, avec la possibilité de filtrer ce qui apparait, avec toujours pour but d’améliorer la compréhension.

J’ai plus à dire sur les trois types de services présenter ci-dessus, mais il va me falloir faire un détour par le web sémantique pour pouvoir poursuivre…

L’acte conditionné

L’associationnisme est une théorie qui postule qu’à tout moment notre état mental est déterminé par nos états mentaux précédents et nos sensations. Ce système philosophique implique une forme de déterminisme : nos actions et nos décisions sont rendues nécessaires par nos états mentaux qui eux-mêmes sont la conséquence déterminée des états précédents.

Bergson réfute que cette théorie puisse s’appliquer à toutes les décisions. Il reconnait cependant que nombre de nos actes sont conditionnés (Essai sur les données immédiates de la conscience) :

[L]es actes libres sont rares […] je suis ici un automate conscient, et je le suis parce que j’ai tout avantage à l’être. On verrait que la plupart de nos actions journalières s’accomplissent ainsi […] les impressions du dehors provoquent de notre part des mouvements qui, conscients et même intelligents, ressemblent par bien des côtés à des actes réflexes. C’est à ces actions très nombreuse, mais insignifiantes pour la plupart que la théorie associationniste s’applique.

Sans rentrer dans un débat sur les ressorts de l’intelligence humaine, il existe des preuves empiriques de mécanismes qui, parce qu’ils sont inconscients, remettent en cause au moins en partie le libre arbitre.

 

Biais de résonnement

Je donne ci-après deux exemples de processus inconscients qui produisent des biais dans nos résonnements sans que nous puissions nous en apercevoir. Par certains aspects nous sommes déterminés. Le premier exemple est tiré de Le nouvel inconscient de Lionel Naccache :

[N]ous serions en possessions de deux systèmes visuels complémentaires. Le premier système est associé à la voie du colliculus supérieur, il est rapide, il peut procéder inconsciemment, il est centré sur la détection des objets en mouvement et élabore des représentations visuelles grossières de l’ensemble de la scène visuelle. Le second système est bien plus lent, il sous-tend une analyse visuelle très fine, riche de mille nuances perceptives et de subtils contrastes.

Cette construction du mécanisme visuel permet d’expliquer des phénomènes tels que le blindsight (vision inconsciente lorsque le cortex visuel est détruit) ou les messages subliminaux (image exposée de manière trop courte pour être vue consciemment).

L’exemple de la vision prouve que seulement une partie de nos sensations sont objectivées, les autres étant assimilées de manière subjective. Ces sensations sont ensuite traitées par le cerveau, et là, de nouveaux déterminismes se font jour : il existe des filtres culturels qui font qu’une même scène est mémorisée différemment par des personnes de cultures. Umberto Eco souligne en particulier l’importance de la langue parlée (Le Signe) :

La célèbre hypothèse Sapir-Whorf […] soutenait que la façon de concevoir les rapports d’espace, de temps, de cause et d’effet changeait d’ethnie à ethnie, selon les structures syntaxiques de la langue utilisée. Notre façon de voir, de diviser en unités, de percevoir la réalité physique comme un système de relations, est déterminée par les lois (évidemment dépourvues de caractère universel !) de la langue avec laquelle nous avons appris à penser. Dès lors, la langue n’est plus ce à travers quoi l’on pense, mais ce à l’aide de quoi l’on pense, voire ce qui nous pense, ou ce par quoi nous sommes pensés.

Et Eco de prendre l’exemple de la neige pour laquelle le français ne possède qu’un mot quand les Esquimaux en ont seize. Ainsi là où nous rappellerions une étendue blanche, d’autres se souviendraient de bien plus. Parce que leur langage le leur permet.

 

Rapport avec les IHM

Les IHM font appel aujourd’hui de manière intensive à l’attention et à l’intention conscientes, alors qu’une part importante de notre activité intellectuelle est inconsciente et que nous fonctionnons largement sur un modèle stimulus-réponse. C’est à mon avis un des enjeux des futures IHM et du design d’interaction que de s’adresser à l’attention périphérique (que j’ai à d’autres occasions appelée attention latérale) afin de déclencher nos actions sur un mode stimulus-réponse qui soit beaucoup moins consommateur de ressources cognitives.

Sans envisager de programmer l’inconscient de l’individu, le recours à l’attention périphériques consiste en la possibilité de disséminer des indices qui, sans s’adresser directement à nous, nous fournissent certaines informations. Ces indices sont moins volumineux que les informations elles-mêmes, mais parce qu’ils leurs sont associés sont de même valeur. La limite à cette indiciation (néologisme, équivalent de cue-ing) est constituée par les différences entre cultures et entre personnes qui font que les réponses à un même indice peuvent différer. Il faudra alors soit personnaliser soit trouver des valeurs communes…

Quelques exemples d’utilisation de l’attention périphérique :

  • La mise en tâche de fond illustrée par Stefana Broadbent : certains indices tels qu’un mot, un son, une couleur, conduisent l’utilisateur à ramener une tâche au premier plan, mais ils peuvent aussi être ignorés.
  • Certaines personnes se font une croix au stylo sur le dos de la main pour se rappeler qu’elles ont une tâche particulière à effectuer. La vision de cette croix déclenche l’intention de faire et non l’inverse comme dans le cas d’un agenda où l’intention (de me rappeler) précède l’attention.
  • Lorsque je prépare mon petit-déjeuner je sors le jus d’orange ou les biscuits en premier suivant que mon regard s’est porté en premier sur le frigo ou sur le placard…

Je vous livre ci-dessous un commentaire que j’ai laissé sur InternetActu. J’espère qu’il vous donnera envie d’aller consulter l’article original de Hubert Guillaud qui traité de l’acceptabilité de la vidéo, de ses usages, de son futur… Des sujets que j’ai abordés récemment et qui trouvent là un exemple pour les illustrer.

Comme le note Annie Gentès le rapport de la webcam à l’identité se situe sur un continuum dont les extrémités sont d’une part le marqueur pur et simple qu’est l’image (comme le nom, la voix,…) et d’autre part le vecteur de meta-données (expression faciale, indications sur l’environnement,…) qui enrichissent le message transmis. L’utilisation de webcam de ville filmant le lieu de vie d’un correspondant correspond exactement à une opération d’enrichissement de la communication avec des données contextuelles. Les projets Open Display et Instant Video Messenger relèvent de la même logique.

La vidéo nous font remarquer les auteurs est un usage qui n’a pas encore trouvé ses pratiques. Le plus compliqué me semble-t-il avec la vidéo est de faire émerger des expériences partagées : une communication implique la réciprocité, il faut donc que l’utilisation de la vidéo résulte d’une volonté commune a priori et implicite. Comme il est noté dans l’article, le refus explicite d’utilisation de la vidéo par l’un des interlocuteurs envoie un signal.

Cette difficulté à s’accorder sur l’utilisation de la vidéo est lié à l’importante quantité de meta-données que celle-ci convoie. Une communication « riche » crée, comme je le fais remarquer dans un billet « Choix social d’un mode de communication », des obligations sociales (du fait de convention de politesse qui s’appliquent là où elles n’ont pas lieu d’être dans une communication plus « pauvre »). Il peut en résulter un sentiment d’intrusivité ou d’obstructivité.

La vidéo est donc une modalité possèdant une expressivité très forte, elle est donc difficile à utiliser dans une stratégie sociale de communication. On peut cependant s’attendre à ce que de nouvelles conventions se créent autour de son usage, à ce qu’elle trouve sa place au milieu des autres modes de communication pour servir des pratiques/expériences particulières.

Remarques extérieures et réflexions propres m’amènent à revoir l’articulation entre ces différentes notions. Afin de gagner en clarté, un beau schéma valant mieux qu’un long discours, je reprends un exemple simple que je développe dans le tableau de la première figure.

Dans cet exemple est décomposée l’expérience d’un couple habitant une ville de province désirant se rendre à Paris pour y voir un opéra. Ils ne possèdent pas de voiture. Dans la décomposition, l’ensemble des branches ne sont pas détaillées. A chaque étape, l’option qui fait l’objet d’une étude approfondie est distinguée.

Expérience, pratiques, usages 1

Dans le repère utilisé ci-dessus on peut placer les notions d’expérience, de pratique et d’usage :

Expérience, pratiques, usages 2

J’y ai ajouté la notion d’interaction, puisqu’arrivé à un certain niveau de détail la notion d’usage perd de sa pertinence.

Comme annoncé dans le post précédent, la discussion avec Eric Dos Santos m’a conduit à vouloir clarifier les articulations entre les notions d’expérience, de pratique, et d’usage.

L’expérience intègre une notion de finalité, elle est le pourquoi. La pratique est la plus petite subdivision de l’expérience, elle est le quoi. L’usage est la modalité de la pratique, il a une valeur instrumentale, il est le comment.

Dans cette définition expérience et pratique sont de même nature : elles ne se distinguent que par leur granularité. Elles peuvent, l’une comme l’autre, être ramenées à un verbe, elles sont toutes deux un quoi. Cependant, l’expérience, par sa nature plus englobante, intègre une notion de finalité : le pour s’ajoute au quoi.

L’usage est une modalité de la pratique : il précise le choix du moyen par lequel le quoi de la pratique est réalisé. Prenons la pratique : « dire à sa femme qu’on l’aime », les usages correspondants sont les différents modes de communication (téléphone, email,…).

Une pratique est la plus petite subdivision de l’expérience en ce qu’elle ne peut pas être elle-même subdivisée sans avoir à préciser l’usage choisi. En reprenant l’exemple précédent : que doit-on faire pour dire à sa femme qu’on l’aime ? Il faut décrocher le téléphone, numéroter… ou alors allumer son ordinateur, ouvrir sa messagerie,… Ces subdivisions impliquent un usage particulier.

Avec Eric nous avons évoqué le cas des locations de voitures. Le propos était qu’on ne loue pas une voiture pour faire des km. Cette location s’intègre dans une expérience comme par exemple se rendre à un mariage. Soit l’expérience « Participer au mariage de ma cousine », elle se décompose en de nombreuses activités, sous-activités, et finalement pratiques. Retenons en deux : « s’habiller » et « se rendre au mariage ». Les usages correspondant à ces pratiques sont d’une part « utiliser mon vieux costume », « emprunter un costume », « louer un costume », et d’autre part (en partant du principe qu’on n’a pas de voiture) « louer une voiture », « utiliser les transports en commun », « se faire emmener », « prendre le vélo »…

Il en découle quelques remarques :

  • Il existe un écho croissant pour ce qui concerne le design d’expérience, mais beaucoup de travail reste à faire. Pour les loueurs de voiture, on les voit monter des partenariats avec des voyagistes qui eux-mêmes essaient non plus de vendre un produit mais un service de construction d’expériences personnalisées de voyage. Une ressource importante sur le sujet est le blog édité par la société italienne Experientia : Putting People First.

  • Sortir les yeux de son usage propre (la location de voiture par exemple) permet d’identifier les autres usages correspondant à une même pratique et par là-même des concurrents (le plus gros concurrent d’Air France n’est pas Lufthansa mais la SNCF).

  • Mener une réflexion au niveau de l’expérience permet non seulement de proposer à ses clients des produits/services qui les satisfont mieux, mais aussi d’identifier des opportunités de partenariat, d’identifier les risques d’extension de sociétés d’une pratique bien particulière vers d’autres pratiques ou vers des expériences dans leur ensemble. L’exemple de l’IPhone est symptomatique : Apple a pris possession d’une bonne partie des revenus liés aux services mobiles qui étaient alors le pré carré des opérateurs.

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